Une nouvelle jeunesse
Comme beaucoup de gens je suis obsédé par le teen movie, ce genre américain entre tous et à la mythologie plus rigide et fournie que vampires et zombies combinés. La formule ne varie guère : le bal de promo, l’ennui écrasant des cours, les petits boulots, la logistique complexe de l’achat d’alcool, la première voiture, la fête chez les gosses de riches, etc.
On s’accorde généralement à placer l’âge d’or du teen movie dans les années 80, autour des films de John Hugues : Sixteen Candles, Pretty in Pink et surtout The Breakfast Club, un teen movie qui tire vers le conceptuel à force d’épure. Disons, pour être large, que cet âge d’or s’étend de Fast Times at Ridgemont High (1982) à Dazed & Confused (1993). Après le genre connaît comme un creux. On passe à autre chose – les slashers soft type I know what you did last summer, les films de jeune adulte type Reality Bites, les tarantinades et autres « néo-noirs ». Les rares teen movies encore tournés, par exemple 10 Things I Hate About You, manquent de peps et d’ambition, et remplissent tellement parfaitement le cahier des charges qu’il relèvent pratiquement du pastiche. Pire, ils ont été vidés de tout le potentiel de subversion de leurs aînés. On ne trouve plus trace de l’invraisemblable cynisme de Risky Business, ni du sympathique hédonisme des films de stoner.
Mais ces derniers temps, après 15 ou 20 ans au creux de la vague, et tandis que le gros de la production hollywoodienne s’enfonce toujours plus profondément dans les dialogues consternants, les péripéties simplettes et les personnages sans intérêt, il y a enfin du neuf côté du film de lycée. Ca a peut-être commencé avec les dialogues explosifs de Juno ou les grosses vannes de Superbad, peut-être avec le maniérisme de Brick ou la mélancolie poisseuse d’Adventureland. En tout cas on a récemment pu voir une série de films qui ont en commun de renouveler la manière de faire du teen movie tout en continuant de s’inscrire dans ses codes historiques. On va toujours au bal de promo, mais ça n’empêche plus de parler de la vie dans ce qu’elle peut avoir, aussi, de moins sexy : les parents à chier ou absents, la crise, les conséquences de l’alcool, une fois qu’on en a, le sexe qui complique tout, la dépression. Aussi et surtout, l’ambition naturaliste s’exprime dans le casting – les corps et les visages varient enfin et osent enfin dévier un peu des canons habituels.
The Myth of the American Sleepover
Ici aussi on est du côté du concept : c’est la dernière nuit du dernier week-end de l’été, et les quatre protagonistes vont tous se retrouver dans des « sleepovers » où les vérités enfouies se révèleront. C’est presque Le Songe d’une nuit d’été.
Si la structure paraît calquée sur celle d’un teen movie classique (comment la fille sérieuse ‘sauve’ le type sympa mais à la dérive), c’est en fait un leurre : c’est un film sur un personnage, celui de Sutter, plutôt que sur un couple. Miles Teller est splendide, jouant la décontraction et le désespoir d’un même mouvement.
Le plus ambitieux et le plus féroce du lot, en dépit d’un argument d’une simplicité folle : comment deux jeunes gens en viennent à coucher ensemble pour la première fois. Pas une réussite complète (parfois un peu trop d’inconfort et de pathos) mais les dialogues trouvent un bon équilibre entre le naturalisme benêt à base de ats lake ya kna et les acrobaties surécrites à la Juno.
The Perks of Being a Wallflower
La présence d’Emma Watson au casting a donné nettement plus de retentissement à celui-ci qu’aux autres. Je ne dirais pas que c’est immérité, mais le film reste un peu brouillon – on sent qu’il souffre un peu d’avoir été adapté d’un roman.
Mon favori du lot. Les acteurs sont tous splendides, les images magnifiques, l’histoire est racontée sans complaisance pour aucun des personnages, jeune ou vieux.