Un conte de Noël
En soi, l’immeuble n’a rien de remarquable : un tank haussmannien qui a connu des jours meilleurs. Pour tout dire il serait aussi triste et morne que tous ses voisins s’il n’avait la chance d’abriter, au rez-de-chaussée, le tout dernier vidéoclub de Paris à louer des VHS. Ca s’appelle « Les cœurs vaillants ».
Ils ont tout. James Bond, Kurosawa, Stallone, Van Damme, John Woo, tout, en VF pourrie. Au fond de la pièce, un petit atelier de réparation de magnétoscopes. Ils vendent aussi des Mitsubishi 5 têtes vintage 1985 et des vieux téléviseurs Trinitron pour ceux qui veulent se lancer dans la régression.
Bien sûr que c’est du snobisme. Sans doute. Mais les tenanciers s’en moquent (il faut bien gagner sa vie), et les habitants de l’immeuble se sont pris au jeu. En société, dès qu’ils ont un coup dans le nez, on peut les entendre discourir à n’en plus finir sur l’éthique du rembobinage, sur la différence fondamentale entre ▶▶ et ▶▶|, ou sur la beauté cradingue de la vidéo l’analogique qui, avec ses couleurs sursaturées et ses recadrages sauvages, remet le home cinéma à sa juste place dans la hiérarchie du divertissement.
Et tous les soirs, en rentrant du Franprix avec leur dîner, ils passent se prendre un film. Un vieux truc avec de l’aventure, du mystère, des trésors engloutis, des îles paradisiaques, de la sorcellerie, des robots, des cow-boys, des loups, des méchants d’opérette et du kung fu.
Ensuite ils montent l’escalier, ferment leur fenêtre se vautrent dans leur canapé et, pour deux heures au moins, les voilà à l’abri du monde.
Ce calendrier des films de Noël 2015 est à vendre sur la boutique. C’est très chiant à faire et à expédier donc il est cher, désolé.