Plaidoyer pour une paire de Rangers
Viande à viol.
C’est ce qu’un homme m’a dit en me croisant dans la rue il y a quelques heures.
Il ne faisait pas nuit, ce n’était pas dans une obscure ruelle qui sent la pisse, bien que ce genre de décor n’excuse rien.
Non, c’était en pleine après midi, sur un grand boulevard peuplé de piétons, entre deux platanes.
Comme ça.
Gratuit.
Gratuitement, il m’a bousculé.
Gratuitement, il s’est mis à rire.
Et gratuitement, il m’a jeté ce “viande à viol” en pleine tronche.
J’en ai chié pour vous : “Viande à viol”.
Je ne supporte plus de lire des choses pareilles. Je ne supporte plus les réactions que ça engendre. Est-ce que c’est scandaleux ? Oui. Dégueulasse ? Le mot est faible. Inévitable ? Certainement pas.
La peur du viol, de l’humiliation, de l’injure ne devraient pas être considérées comme la normalité, ni encore moins comme des phénomènes certes fâcheux, mais naturels, découlant nécessairement de l’ordre du monde.
Regardons d’un peu plus près. Quel est l’intérêt de l’agresseur, dans cette histoire ? Exercer une domination pour éprouver son ascendant, sa force. Quelle est la réaction de la victime ? Elle est tétanisée, incapable de coller à son agresseur la baffe qu’il mérite – et, pour tout dire, réclame -, incapable de seulement lui cracher à la gueule.
La différence de force physique entre hommes et femmes est pourtant négligeable (le point sur le sujet ici). Alors, pourquoi ? La réponse est fort longue, et déborde mon propos et mes compétences.
Le point sur lequel je voudrais insister, c’est que les hommes sont conscients de leur force, ne serait-ce que parce qu’ils sont incités à l’exercer quotidiennement. Ouvrir une fenêtre coincée, porter les courses ? Faire un déménagement ? Un travail d’homme, à n’en pas douter. Passons sur l’obsession de la société pour les performances sportives. Passons sur la tolérance bienveillante dont jouit la violence entre jeunes hommes, tandis que les femmes sont incitées à se tenir droit, à faire joli et à demander de l’aide dès qu’elles ont un pet de travers. Disons, pour simplifier, que les hommes sont invités à s’éprouver en tant qu’individus, tandis que les femmes doivent se penser comme dépendantes de leur environnement.
Pour compléter le tableau, ajoutons l’idée pernicieuse que les hommes sont sujets à des pulsions sexuelles incontrôlables. Non seulement cette idée est une construction sociale sans fondement scientifique, mais c’est une construction fort récente. Jusqu’au XIXe, on tenait même l’inverse pour une vérité intangible.
Ces quelques points étant éclaircis, j’aimerais faire une proposition simple et immédiatement applicable : la généralisation du recours au coup de latte dans les burnes.
Je ne suis pas pour les armes – lacrymo, truc électrique, couteau, que sais-je. Les armes sont une erreur pratique (avoir une arme, c’est d’abord tenir une arme à disposition d’un agresseur potentiel), mais surtout une erreur ontologique : il n’est pas besoin de prothèse. Les femmes ne devraient pas se sentir protégées par leur arme, elles devraient éprouver leur propre force, celle de leur corps, la connaître et compter dessus.
J’y reviens : un bon vieux coup de latte dans les burnes.
Alors oui, c’est affreusement simpliste, non, la violence ne résout rien, et si tous les gars du monde voulaient bien se donner la main, on n’aurait pas besoin d’en arriver là, tralala. Oui, on peut (et on doit) éduquer nos enfants en sorte que le viol leur soit aussi insupportable et étranger que le cannibalisme. Certes. Mais en attendant, pour toutes les raclures récalcitrantes qu’on ne réformera pas par l’exemple, une leçon de choses serait la bienvenue, surtout dispensée par une paire de bottes coquées.