Paris-La Rochelle
Derrière moi, deux juniors d’une grosse agence de pub. 25 ans à la louche, un gars une fille. Ils partent en séminaire dans un château à côté de Poitiers. Je n’ai pas l’impression qu’ils se connaissent très bien – ça doit être un exercice de team building. Ils parlent des élections pour tuer le temps. La fille convoque immédiatement dans la conversation son père sénateur (de droite) et embraye : je suis persécutée parce que je vote à droite, dans la pub tout le monde est de gauche. Son camarade la rassure : elle peut bien voter comme elle veut.
Le mec est habile : lui ne dira jamais pour qui il a voté. Il se contente d’offrir des anecdotes – en 2007, il était en khâgne et le premier tour avait lieu la veille d’un écrit important du concours. Les profs, majoritairement de gauche, avaient enjoint les élèves à ne pas se laisser démoraliser par les résultats, quels qu’ils soient, ce qui démontrait une méconnaissance coupable de leur classe : une bonne moitié des élèves était pour Sarkozy et, plus globalement, ils avaient franchement d’autres chats à fouetter.
La fille explique que dans sa famille, c’est compliqué : son père et elle à droite, donc, son frère à gauche, sa soeur passée à droite depuis son mariage. « Tu votes à gauche quand t’as 20 ans parce que t’es étudiant », explique-t-elle, « mais si tu continues quand t’as 30 ans, c’est que t’es pauvre. »
Le gars explique que dans sa famille, tout le monde s’est concerté pour ne voter que pour les deux candidats qui avaient une chance d’être au second tour. Ils ont même essayé de s’assurer que chacun des candidats recevait le même nombre de votes ‘pour assurer l’équilibre’ (je crois. C’était confus, et l’autre l’interrompait de nombreux « Oh ! Mythique ! Excellent ! »).
La fille veut savoir : « Quand on fait une procuration, c’est écrit nulle part ce que le mandataire doit voter ? Il fait ce qu’il veut, alors ? » Le mec lui explique le concept du secret du vote. « Bah ouais mais quand même, quoi… », conclut-elle.
Photo : Arthur Dubut