La difficulté
C’est difficile de savoir quoi dire parce que les choses sont si consternantes qu’on en vient à douter que quelque chose puisse être dit – mécaniquement on se trouve à devoir se positionner, à choisir entre l’indignation permanente et l’analyse narquoise de ceux à qui on ne la fait pas, tels des journalistes politiques. Ou bien on a tellement peur d’être pris en défaut ou simplement d’entendre l’autre dire une connerie impardonnable qu’on préfère se taire et parler d’autre chose, et c’est parfaitement délirant comme choix parce qu’on se retrouve en permanence avec l’horreur béante qui avale toutes les conversations anodines parce qu’on sait bien que ce dont on parle et ce qui nous préoccupe sont deux choses qui ont cessé de coïncider il y a des mois ou des années déjà. Alors à la place on prend l’apéro et on rit comme des hyènes en se lisant les headlines du jour, parce que franchement quelle différence en termes de résultats ?
Pendant ce temps la police – épuisée, souvenez-vous, surmenée par tous ces matraquages, la police qui avait besoin de vacances pour éviter la multiplication des bavures – la police, disais-je, patrouille sur les plages pour contrôler la tenue vestimentaire des vacanciers – et puis vous savez bien tout le reste, mais en lieu et place d’une analyse, j’ai l’impression d’entendre chaque jour parler de la Résistance, des Droits de l’homme, de l’Universalité, etc., au point que je me demande ce qu’on fera quand tous les Résistants seront claqués, tels des poilus, vers qui on se tournera, qui nous servira alors de caution ou de boussole. L’autre jour un ami a tenté de m’expliquer que si, le Front national ce serait nettement plus grave que ce qu’on a maintenant. On verra bien.
D’ici là j’aimerais trouver des mots pour dire ce qui se passe, ce que ça fait, ce qui vient. Mais pour l’instant c’est difficile.