Brèves de la BnF
Enquête satisfaction dans la salle de pause. J’accepte. J’accepte toujours. Au bout des dix minutes, dernière question : « Que pourrait faire la BnF pour vous faire venir plus souvent ? » Je viens déjà cinq jours par semaine, qu’est-ce que je peux faire de plus ?
En face de moi : un Japonais qui lit la presse anarchiste des années 1880.
Mon obsession pour le vieux hardware me donne l’air d’un dangereux pervers ou d’un détraqué : je circule lentement en regardant les tables dans l’espoir d’apercevoir des ordinateurs rares.
Oh ! Un VAIO TX ! Un G4 Titane ! Un Thinkpad X300 ! Un Panasonic Note !
[Il n’est d’ailleurs pas impossible que ma prédilection pour la salle W (littérature orientale) provienne de l’omniprésence des petits dictionnaires électroniques qu’utilisent les Japonais et les Coréens et de la surreprésentation du hardware exotique.]
Hyper pratique : mon livre électronique fait sonner le portique antivol.
A côté de moi, meilleur titre de la semaine : Soudain un bloc d’abîme, Sade
Un geste fort et récurrent, qui mériterait une statue allégorique, quelque part sur le parvis : « Chercheur arrachant le câble RJ45 de son Mac » La main est ferme, elle ne tremble pas. Le chercheur reprend sa tranquillité d’esprit, regagnant l’empire sur son cerveau.
[La moitié des gens ont des MacBooks Air, est-ce que tu crois que ça leur viendrait à l’idée de venir à la bibliothèque sans leur adaptateur Ethernet ? Pas un instant.]
Ecrire c’est le monde ancien, et c’est incompatible avec le web. Il faut s’extraire un instant, sortir du flux, faire un pas de côté. -Frrprt-, fait le câble qui rentre dans son trou, tel le serpent chassé du jardin d’Eden.
Salle de pause fermée, tournage d’une émission littéraire de France Ô.
Baston d’équipement minimalisto-classieux avec le type d’en face : c’est tendu. Je gagne sur l’ordinateur, mais on a exactement le même stylo (un Lamy Safari noir qui n’est plus fabriqué) et sa gourde est vraiment jolie, vraisemblablement un truc suisse. J’ai un truc à thé rechargeable qu’on m’a ramené de Pékin, c’est rare et hyper pratique mais pas très joli. Je crois que sa montre est une Casio « terroriste » et le bracelet usé la place dans la catégorie « vintage 1988 », ce qui est assurément plus frugal et décalé que ma propre AE-1000W. Diable, je suis en difficulté.
Sa trousse en cuir est moche, la mienne est un peu grosse mais super belle, léger avantage pour moi.
Le coup décisif vient du cahier : j’ai un petit Clairefontaine A5 super solide avec un feutre de dessin technique ; lui se lève rageusement quand il s’aperçoit qu’il a oublié son cahier (au vestiaire ou chez lui, on ne le saura jamais). Et là, l’erreur : au lieu d’aller récupérer, souverain, quelques unes des feuilles de brouillon disponibles au comptoir le plus proche, il extorque à la conservatrice un bloc-notes BnF complet, dont il n’utilisera finalement qu’une seule feuille. Coolitude minimaliste : néant.
Il faudrait vraiment assouplir l’obligation qui est faite aux étudiants en cinéma de tourner au moins scène de leur film de fin d’études sur la passerelle Simone de Beauvoir, il va finir par y avoir des embouteillages.
La plus belle page de la journée, j’étais venu avec :
Photo : Guilhem Vellut
Texte : Borges, Neuf essais sur Dante
1 Comment
Game A
30 octobre 2012Ça m’attriste beaucoup de penser que moi, avec mon Pilot Plumix (au mieux, quand ce n’est pas un inélégant Bic 4 couleurs) et ma Casio DBC-32 jaune, je ne pourrais que faire naître un haussement méprisant d’épaules si nous nous croisions dans une bibliothèque…