La priorité
Amis automobilistes,
Je crois qu’il y a un malentendu. C’est toujours un peu la même histoire : je m’arrête au stop, ou à l’entrée d’un rond-point, ou quand vous arrivez de ma droite, bref, quand je dois m’arrêter ; vous avisez alors mon vélo, me jetez un regard circonspect, puis pilez au milieu de la route en me faisant signe de passer, un sourire mielleux aux lèvres ; je lève les paumes en signe d’incompréhension ; vous insistez, avec le sourire crispé d’une institutrice en train de perdre patience ; je vous montre le stop ; vous repartez en faisant vrombir votre moteur, maudissant mon imbécilité (Si ça peut vous rassurer, je suis alors en train de vous agonir d’injures).
Manifestement, vous ne comprenez pas comment je peux refuser la politesse que vous me faites. Pourquoi ne pas profiter de votre infinie bonté ? Pourquoi tant d’ingratitude, alors que vous vouliez seulement m’être agréable ?
C’est pourtant simple : ce n’est pas à vous de décider qui a la priorité. Peu importe que ce soit « pour être sympa » ou quoi. Ce n’est pas à vous d’en décider. Je n’ai pas besoin de vos faveurs parce qu’il y a des règles, et que je me sentirais nettement plus en sécurité si vous vous contentiez de les respecter.
Ceux qui laissent la priorité pour faire plaisir sont trop souvent ceux qui la prennent quand ça les arrange. Donc plutôt que de faire des galanteries, passez quand c’est votre tour, et laissez-moi passer quand c’est le mien.
Merci.
(J’aimerais tant que mes derniers mots ne soient pas « J’étais prioritaire, connard. »)
Et tant que j’y suis : amis piétons, camarades cyclistes, IL EST PARFAITEMENT INUTILE DE ME SIGNALER QUE MES PHARES SONT ALLUMÉS, JE SUIS AU COURANT, J’AI UNE DYNAMO ET PAR AILLEURS JE NE VOIS PAS CE QUE ÇA PEUT VOUS FOUTRE. Merci.
Ah, ça soulage.
Photo : In the shape of the Heart, par Thomas Hawk