En cherchant bien

Posted by on Nov 16, 2016

Hier, @temptoetiam a résumé la pensée et le désarroi d’à peu près tout le monde. Et maintenant ? Qu’est-ce qu’on fait ?

Une fois passée l’envie de hurler, une fois mis de côté les remords de ne pas s’être réveillé plus tôt, une fois ravalée l’envie d’engueuler la terre entière, il y a quand même quelques éléments de réponse.

Je pense qu’il faut qu’on recommence à se parler, pour au moins nommer l’horreur béante qui s’ouvre devant nous. Je n’ai pratiquement plus de discussions honnêtes, même avec des amis de vingt ans. C’est comme si on avait tous honte de ce qu’on est devenu, honte de s’être encroûté, d’avoir vieilli et renoncé, honte d’avoir laissé faire, alors pour passer le temps on se cache derrière les menues difficultés de la vie parentale, les histoires de boulot et de logement, voire d’impôts. C’est plus possible.

Parlons-nous, reconnaissons qu’on est flippés, à raison, que l’heure n’est plus au cynisme. Ce sera déjà un premier pas.

Pour la suite, je me permets de laisser la parole un instant à mon éloquent ami Roger Nuisance :

« En même temps je trouve que la situation se simplifie très vite. On est aujourd’hui en mesure de proposer des moyens d’aide à la décision dont on ne disposait pas dans les années 90. Par exemple : dans les livres d’histoires du futur, tu veux être dans quel camp : les mecs qui laissent crever des dizaines de milliers de personnes, les entassent dans la boue, et les traitent de tous les noms, ou les mecs qui leur apportent à bouffer ? 

Là c’est simple. Je pense que l’action est simple.

Je pense de plus en plus que l’action entraîne un monde avec elle : elle implique de nouveaux problèmes qui peu à peu te prennent plus de temps et ca progresse comme ca. »

Il reste des gens qui font. Qui organisent les grèves, qui dénoncent le racisme omniprésent, qui triment dans les refuges pour sans-abri, les banques alimentaires, les camps de réfugiés. Ils ne diraient sans doute pas non à notre aide. Allons les rejoindre. Rentrons dans le circuit, et je pense qu’assez rapidement le problème ne sera plus de nous trouver des causes.

(Et si on a de l’argent plutôt que du temps, on peut le donner quand même – à la Quadrature du net, aux Restos du Coeur, au Planning familial, au Secours populaire, que sais-je.)

Vers qui aller ? Je ne sais que vous dire, c’est pas les bons combats qui manquent. Dans ma province rance et lisse, on voit surtout l’urgence écologique, et puis la pauvreté qui progresse. En ville je me dis que l’urgence ce sont plutôt les sans-abri et les réfugiés, mais franchement je n’ai pas de conseils à donner.

Il y a le risque, surtout dans les trucs plus ou moins labelisés écolo, de tomber assez vite sur des gens versant dans l’obscurantisme new age, le conspirationnisme, voire le confusionnisme. C’est vrai et c’est inquiétant, faites gaffe.

(Néanmoins, je propose que pour une fois, et quoi qu’ils fassent parti du folklore et de la tradition militante, les concours de pureté idéologique et les engueulades homériques où tout les présents s’entre-traitent de fascistes soient relégués au second plan, un temps au moins.)

Oh, et : Sécurisez un minimum votre équipement informatique, et puis lisez le Guide d’autodéfense numérique. C’est long, ça a l’air complètement parano, mais c’est une lecture salutaire, tout comme celle du Guide du manifestant. On est dans un pays qui s’est offert des infrastructures de surveillance de grande envergure, où les policiers ont la matraque facile et où leurs faux témoignages ne sont pas poursuivis, où on peut se trouver mis en examen et sous contrôle judiciaire pour avoir tenté d’emmener trois réfugiées à la gare. Protégez-vous.

Je ne sais si tout ça nous rapprochera d’une société plus juste, libérée du salariat, du carnisme, de la bagnole et de l’hétéronormativité, hein, mais c’est un début.

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